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mercredi 6 octobre 2010

Le Dernier chant des Malaterre (François Bourgeon)

Les Compagnons du Crépuscule, tome 3

Ce troisième volet de la série "Les Compagnons du Crépuscule" tranche très nettement avec les deux précédents.
Sur la forme, d'abord. Les deux premiers volumes font 52 pages (hors annexes), celui-ci en compte 142. D'autre part, alors que les deux premiers se lisent d'une traite, et sont complémentaires l'un de l'autre, ce troisième volet se décompose en 4 parties et peut être lu indépendamment des deux premiers tomes.
Le ton également est très différent : du mythe et de la légende, du rêve éveillé des deux premiers volumes, le lecteur est transporté dans la réalité brute d'une ville du Moyen-Age avec ses violences, ses traditions, sa brutalité, sa beauté aussi.
Le dessin de Bourgeon se fait encore plus fouillé, fourmillant de détails, de personnages, de lieux variés et riches, d'atmosphères apaisantes, ou au contraire brutales, angoissantes, oppressantes.
Le lecteur retrouve ainsi Mariotte, Anicet et le mystérieux Chevalier sans nom, poursuivant sa quête. Mais il fait aussi la connaissance de multiples personnages, rendant l'histoire touffue, complexe aussi, et passionnante.
Dans cet univers, les légendes et les superstitions ont encore toute leur place, mais d'une manière très différente, beaucoup moins onirique que dans les tomes 1 et 2.
Une réplique de Mariotte (planche 25, case 11), l'exprime d'ailleurs très bien : alors que le Chevalier lui raconte l'histoire d'un moine qu'il a rencontré, elle accepte de l'accompagner, alors qu'elle pressent un danger, et ce "Bien que nous fassions de moins en moins les même songes."
Il n'est effectivement plus question de rêves, ici, mais de la brutale réalité : le Chevalier est arrivé sur le lieu de sa quête, il a trouvé le royaume de la Force Noire, et cette Force Noire a un visage...
Cet album est en définitive bien plus classique que les deux précédents (si tant est que Bourgeon peut écrire quelque chose de classique) : une intrigue, des complots, des ennemis à combattre, une femme à sauver, un Chevalier qui n'a rien à perdre... Il est passionnant : un foisonnement de détails, des personnages hauts en couleurs, une intrigue complexe à rebondissements en font un excellent album. L'utilisation d'un pseudo ancien français (car écrit en français d'aujourd'hui, mais utilisant des expressions, mots et tournures anciennes), rend la lecture parfois ardue, mais ajoute aussi au mystère...
Le seul bémol vient sans doute de cette différence de ton, de cette cassure qui s'opère : il manque ici la magie, le délire, la drôlerie aussi, des deux premiers volumes. Celui-ci se veut plus sombre, plus réaliste...
C'est certainement voulu : la différence de ton est tellement flagrante qu'elle rend par elle-même les deux premiers albums comme irréels...
Si c'était bien là le but de François Bourgeon... alors : "Chapeau bas, l'Artiste !". C'est finalement un peu comme si le lecteur avait, lui aussi, rêvé...

Paru aux éditions Casterman, 1994. ISBN : 2-203-38830-7.

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