Sasmira, tome 1
Une vieille femme meurt doucement, sous un porche de l'Ile de la Cité, dans les bras de Stan, le héros de cette série. En répondant à son étrange supplique, le jeune homme n'imagine pas qu'il embarque pour un extraordinaire voyage, sur les traces de la mystérieuse Sasmira. Il entraîne dans son périple, bien malgré lui, la jolie Bertille, sa petite amie...
Cet album est une véritable énigme. 11 ans après sa parution, il est réédité avec une nouvelle couverture, aux éditions Glénat. Est-ce le signe qu'un tome 2 pourrait paraître prochainement ? Pour qui, comme moi, a découvert cet album lors de sa sortie en 1997, ce serait une bonne nouvelle... Internet donne certains indices : en 2005, une interview de Vicomte permettait d'espérer la sortie du tome 2 pour 2006. En 2008, l'annonce de la réédition du tome 1 chez Glénat a provoqué de vives réactions chez certains lecteurs, attendant la sortie du tome 2... prévue, selon l'éditeur, pour 2010...
Mais pourquoi donc cet album fait-il couler tant d'encre ? Par de nombreux côtés, "L'Appel" est assez proche de la "Ballade au Bout du monde", écrit par Makyo et dessiné par Vicomte, justement (pour les 4 premiers tomes de la série qui en compte 12). Le thème principal tel qu'il apparaît dans ce premier volume est en effet le même : le voyage dans le temps.
Le graphisme également, très soigné, rend la parenté entre les deux séries évidentes (les deux séries sont contemporaines, ceci expliquant cela bien entendu). Il serait inutile et dangereux d'aller plus loin dans les comparaisons : il faudrait pour cela avoir plus de matière.
Le dessin est précis, réaliste, fouillé. Le jeu des couleurs et des ambiances est intéressant, sans être aussi sombre que dans la "Ballade au Bout du monde". Le jeu des lumières et des regards donne toute sa force au récit, et rend certaines scènes inquiétantes, angoissantes, ou, au contraire, apaisantes et heureuses. Graphiquement, c'est donc une merveille...
Le rêve et la réalité se mêlent, la frontière qui les sépare devenant plus floue au fil des pages. Bertille semble être en mesure de se révolter, et a l'air de ne pas avoir été "envoûtée" comme Stan. Mais elle semble par ailleurs liée à cet endroit... Pourra-t-elle en sortir ?
Cet album ressuscite les débuts du XXe siècle, et à ce titre, c'est un vrai régal pour les yeux. Le mystère qui entoure Sasmira est épais, et mêle l'enquête au mythe, avec l'évocation d'un Orichalque. A ce stade de l'intrigue, le lecteur ne peut que conjecturer : la vieille femme et Sasmira sont-elles une seule et même personne ? Sans doute... Mais alors, la vieille femme est très âgée... Tellement âgée que cela n'est pas possible, sauf si l'Orichalque y est pour quelque chose, ce qui expliquerait les boîtes de conserve sur la photo de la dernière page... Mais quel rapport avec la Pyramide du Louvre ? A moins qu'elle ne soit encore plus âgée qu'il n'y paraît ?
Les personnages secondaires sont aussi porteurs d'interrogations, bien sûr : Qui peut donc bien être l'imposante Mademoiselle Prudence ? Quel secret cache-t-elle ? Comment Stan et Bertille vont-ils retrouver l'année 1996 ? Le pourront-ils ? Le voudront-ils ? Ou plutôt, Stan le voudra-t-il ? Quel lien y a-t-il (si lien il y a, comme semble le suggérer ce premier tome) entre la jolie Bertille et l'envoûtante et mystérieuse Sasmira ?
La suite, monsieur Vicomte ! Vivement la suite !
Paru aux éditions Les Humanoïdes Associés, Genève, 1997. ISBN : 2-7316-1126-x.
Réédité aux éditions Glénat, Paris, 2008. ISBN : 978-2-7234-6586-1.
jeudi 14 octobre 2010
mercredi 6 octobre 2010
Le Dernier chant des Malaterre (François Bourgeon)
Les Compagnons du Crépuscule, tome 3
Ce troisième volet de la série "Les Compagnons du Crépuscule" tranche très nettement avec les deux précédents.
Sur la forme, d'abord. Les deux premiers volumes font 52 pages (hors annexes), celui-ci en compte 142. D'autre part, alors que les deux premiers se lisent d'une traite, et sont complémentaires l'un de l'autre, ce troisième volet se décompose en 4 parties et peut être lu indépendamment des deux premiers tomes.
Le ton également est très différent : du mythe et de la légende, du rêve éveillé des deux premiers volumes, le lecteur est transporté dans la réalité brute d'une ville du Moyen-Age avec ses violences, ses traditions, sa brutalité, sa beauté aussi.
Le dessin de Bourgeon se fait encore plus fouillé, fourmillant de détails, de personnages, de lieux variés et riches, d'atmosphères apaisantes, ou au contraire brutales, angoissantes, oppressantes.
Le lecteur retrouve ainsi Mariotte, Anicet et le mystérieux Chevalier sans nom, poursuivant sa quête. Mais il fait aussi la connaissance de multiples personnages, rendant l'histoire touffue, complexe aussi, et passionnante.
Dans cet univers, les légendes et les superstitions ont encore toute leur place, mais d'une manière très différente, beaucoup moins onirique que dans les tomes 1 et 2.
Une réplique de Mariotte (planche 25, case 11), l'exprime d'ailleurs très bien : alors que le Chevalier lui raconte l'histoire d'un moine qu'il a rencontré, elle accepte de l'accompagner, alors qu'elle pressent un danger, et ce "Bien que nous fassions de moins en moins les même songes."
Il n'est effectivement plus question de rêves, ici, mais de la brutale réalité : le Chevalier est arrivé sur le lieu de sa quête, il a trouvé le royaume de la Force Noire, et cette Force Noire a un visage...
Cet album est en définitive bien plus classique que les deux précédents (si tant est que Bourgeon peut écrire quelque chose de classique) : une intrigue, des complots, des ennemis à combattre, une femme à sauver, un Chevalier qui n'a rien à perdre... Il est passionnant : un foisonnement de détails, des personnages hauts en couleurs, une intrigue complexe à rebondissements en font un excellent album. L'utilisation d'un pseudo ancien français (car écrit en français d'aujourd'hui, mais utilisant des expressions, mots et tournures anciennes), rend la lecture parfois ardue, mais ajoute aussi au mystère...
Le seul bémol vient sans doute de cette différence de ton, de cette cassure qui s'opère : il manque ici la magie, le délire, la drôlerie aussi, des deux premiers volumes. Celui-ci se veut plus sombre, plus réaliste...
C'est certainement voulu : la différence de ton est tellement flagrante qu'elle rend par elle-même les deux premiers albums comme irréels...
Si c'était bien là le but de François Bourgeon... alors : "Chapeau bas, l'Artiste !". C'est finalement un peu comme si le lecteur avait, lui aussi, rêvé...
Paru aux éditions Casterman, 1994. ISBN : 2-203-38830-7.
Ce troisième volet de la série "Les Compagnons du Crépuscule" tranche très nettement avec les deux précédents.
Sur la forme, d'abord. Les deux premiers volumes font 52 pages (hors annexes), celui-ci en compte 142. D'autre part, alors que les deux premiers se lisent d'une traite, et sont complémentaires l'un de l'autre, ce troisième volet se décompose en 4 parties et peut être lu indépendamment des deux premiers tomes.
Le ton également est très différent : du mythe et de la légende, du rêve éveillé des deux premiers volumes, le lecteur est transporté dans la réalité brute d'une ville du Moyen-Age avec ses violences, ses traditions, sa brutalité, sa beauté aussi.
Le dessin de Bourgeon se fait encore plus fouillé, fourmillant de détails, de personnages, de lieux variés et riches, d'atmosphères apaisantes, ou au contraire brutales, angoissantes, oppressantes.
Le lecteur retrouve ainsi Mariotte, Anicet et le mystérieux Chevalier sans nom, poursuivant sa quête. Mais il fait aussi la connaissance de multiples personnages, rendant l'histoire touffue, complexe aussi, et passionnante.
Dans cet univers, les légendes et les superstitions ont encore toute leur place, mais d'une manière très différente, beaucoup moins onirique que dans les tomes 1 et 2.
Une réplique de Mariotte (planche 25, case 11), l'exprime d'ailleurs très bien : alors que le Chevalier lui raconte l'histoire d'un moine qu'il a rencontré, elle accepte de l'accompagner, alors qu'elle pressent un danger, et ce "Bien que nous fassions de moins en moins les même songes."
Il n'est effectivement plus question de rêves, ici, mais de la brutale réalité : le Chevalier est arrivé sur le lieu de sa quête, il a trouvé le royaume de la Force Noire, et cette Force Noire a un visage...
Cet album est en définitive bien plus classique que les deux précédents (si tant est que Bourgeon peut écrire quelque chose de classique) : une intrigue, des complots, des ennemis à combattre, une femme à sauver, un Chevalier qui n'a rien à perdre... Il est passionnant : un foisonnement de détails, des personnages hauts en couleurs, une intrigue complexe à rebondissements en font un excellent album. L'utilisation d'un pseudo ancien français (car écrit en français d'aujourd'hui, mais utilisant des expressions, mots et tournures anciennes), rend la lecture parfois ardue, mais ajoute aussi au mystère...
Le seul bémol vient sans doute de cette différence de ton, de cette cassure qui s'opère : il manque ici la magie, le délire, la drôlerie aussi, des deux premiers volumes. Celui-ci se veut plus sombre, plus réaliste...
C'est certainement voulu : la différence de ton est tellement flagrante qu'elle rend par elle-même les deux premiers albums comme irréels...
Si c'était bien là le but de François Bourgeon... alors : "Chapeau bas, l'Artiste !". C'est finalement un peu comme si le lecteur avait, lui aussi, rêvé...
Paru aux éditions Casterman, 1994. ISBN : 2-203-38830-7.
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