Notre rubrique "bande dessinée" est à nos yeux la première, parce que cet art est à l'origine de notre rencontre. Nous espérons que vous partagerez nos coups de cœur en la matière.

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dimanche 18 avril 2010

Bone (Jeff Smith)

1991-2004 : 13 ans pour produire un chef-d'œuvre, tel pourrait être le résumé des 1300 pages de Bone, au vu de l'impression qu'on a quand on referme ce magnifique ouvrage. Jeff Smith y a ciselé tout au long des 55 fascicules qui le composent une histoire impressionnante, oscillant entre fantasy et merveilleux, peuplée de personnages hauts en couleur (ce qui, pour une publication en noir et blanc, tient de l'exploit), se mouvant dans un univers créé à leur mesure.

Qu'est ce que cela raconte ? On suit l'histoire de Bone (petit personnage dont le nez proéminent est la caractéristique principale), fort sympathique, mais qui a le défaut d'avoir un cousin, Phoney Bone, qui ne peut s'empêcher de faire de petites affaires ... ce qui les conduit, avec leur autre cousin Smiley Bone, à se faire exiler de Bonville ! Perdu en plein désert et séparé de ses cousins, Bone pénètre dans une vallée, évite l'estomac de deux rats-garous grâce à l’aide d’un dragon rouge, et se lie d’amitié avec les animaux d’une forêt. Jusqu’à ce qu’il rencontre une jeune femme, Thorn, qui semble destinée à tout autre chose que finir sa vie dans la petite maison de sa grand-mère ...
Entre courses de vaches et batailles épiques, entre course poursuite dans la forêt obscure et prophétie mystérieuse, entre héritages dramatiques et rêves mobydickiens ... l'histoire ne cesse d'avancer et de surprendre, ponctuée de situations comiques où Phoney (contre son gré) et Smiley jouent souvent les premiers rôles !

Pour découvrir tout ceci, l'avantage est aux anglophones : l'édition en un volume bat en effet tous les rapports qualités prix, rassemblant dans un seul ouvrage la totalité de l'histoire, dans son noir et blanc originel.
Pour les francophones, les éditions Delcourt ont publié la série originale en 11 volumes, puis les réédite actuellement en version colorisée, selon les volontés de l'auteur.
En bref, une série magnifique, à mettre entre toutes les mains, petits comme grands, avec un avantage non négligeable aux anglophones.

Le site de l'auteur (en anglais seulement)
Le page Delcourt consacrée à Bone

Paru aux Etats-Unis aux éditions Cartoon Books en 2004, ISBN : 188896314X
Parus en France aux éditions Delcourt, depuis 1995 ; ISBN du premier tome en couleur : 2756006598

Kenshin le vagabond / Ruroni Kenshin (Nobuhiro Watsuki)

Nous sommes au Japon, en 1878, au début de l'ere Meiji. Le port du sabre est interdit par la loi (sauf pour la police).
Kenshin le Vagabond est un rouquin aux cheveux longs qui ne passe pas inaperçu : il est roux, il arbore une cicatrice en forme de croix sur la joue, mais il porte aussi un sabre un peu spécial à
la lame inversée (le tranchant de la lame se trouvant au dessus du katana) : il ne peut donc pas tuer ses adversaires avec des techniques normales.

Dans son passé Kenshin était connu comme le Battosai, ce qui veux dire "maître dans le dégainage de l'épée". A l'époque, il était un hittokiri, un assassin au service du gouvernement. Mais les temps ont changé et il n'est plus l'assassin qu'il était. Il s'est juré de ne plus jamais tuer. Et il vagabonde de ville en ville, mettant son sabre au service de ceux qui en ont besoin.
L'histoire débute avec la rencontre de la charmante Kaoru. Il devient rapidement son homme a tout faire : cuisine, ménage, lessive, courses... Elle saura comment exploiter le jeune homme.
Il se fera aussi de précieux amis, comme Sanosuke, bagarreur hors pair, et Yahiko, jeune garçon orphelin qu'il sauvera de yakusa.
Le personnage de Kenshin est tout de suite très attachant. Il a du cœur et donne sans compter. Il cherche à ne plus renouveler les erreurs passées et tente de surmonter les épreuves qui s'imposent à lui. Le lecteur se trouve comme projeté dans l'histoire. Les dessins sont particulièrement détaillés et les villes semblent vivre au fil des pages.

Les combats au sabre ne sont en général pas longs, sachant que le but de Kenshin est de limiter les dégâts ; ils sont souvent agrémentés de dialogues ou Kenshin tente de comprendre son adversaire et de le raisonner.

Malgré la gravité des sujets abordés, l'humour n'est pas absent : l'auteur s'amuse souvent à comparer les personnages aux animaux, ce qui donne des situations assez comiques - surtout lorsque les filles se jalousent...
Ce manga est le premier de Nobuhiro Watsuki qui est paru de 1997 a 1999. Il a eu un succès rapide suscitant la parution de 28 tomes brochés, traduits en plusieurs langues.
Kenshin a inspiré une série télévisée d'animation de 95 épisodes. D'autre part, il existe des OAV (longs-métrages animés parus en vidéo) qui racontent la jeunesse du héros, correspondant aux "chapitres du souvenir" (tome 19 de la bande dessinée).


28 tomes parus en français aux éditions Glénat, collection Shonen, 1998-2003.
Édition originale chez Shueisha, 1994-1999

mardi 6 avril 2010

Le Journal d'un remplaçant (Martin Vidberg)


Mercredi 1° Septembre… c’est la rentrée des classes pour les instituteurs… Pour Martin, la journée sera un peu différente : en tant que remplaçant, sa rentrée ne se fera pas à l’école mais à l’inspection pour connaître son école d’affectation. Ô joie pour Martin : aucun poste ne lui est attribué et va donc pouvoir commencer l’année dans son école de rattachement… mais pas pour très longtemps.
Jeudi 14 Octobre, Martin est catapulté (ou "désigné volontaire" dans le jargon de l'Education nationale) en I.R… Un institut de redressement pour élèves ultraviolents, succédant ainsi à deux professeurs qui ont craqué…

Si le dessin « patatisé » peut surprendre dans un premier temps, sa simplicité est en réalité un atout pour entrer dans ce journal de bord d’un instituteur parachuté dans un établissement pour lequel il n’a reçu aucune formation. Le lecteur suit, jour après jour, les tribulations de ce jeune instituteur qui doit faire face à la violence verbale et physique de ses élèves, à ses propres doutes sur son rôle et à l’échec en milieu scolaire tant pour ses élèves que pour lui. Cette histoire met en lumière les absurdités de notre système scolaire, inadapté pour ces élèves : l’important est de mettre quelqu’un « devant » les enfants, peu importe si cette personne a suivi une formation adaptée pour cette situation bien particulière qu’est l’I.R. Ces absurdités, ainsi que les préjugés que peut rencontrer le corps enseignant, sont d'ailleurs tour à tour dénoncés, sans pour autant tomber dans une quelconque caricature: le ton demeure pédagogue, avec une dose de recul nécessaire pour rester neutre.
L’auteur n’oublie pas que les premières victimes restent ces enfants dont on suit leur évolution au cours de l’année scolaire, avec leurs problèmes mais aussi leurs bons moments. Malgré la difficulté du sujet, on s’attache très vite à ces petits bonhommes en forme de patates… Le dessin et la typographie illustrent avec justesse le monde de l'enfance, avec un style simple mais toujours expressif, notamment pour les visages. Un livre très humain, plein d’espoir et de vie tout en restant réaliste, sans véritable « happy end » : mais après tout, c’est aussi ça la vie d’enseignant.



Avant d'être un livre, cette bande dessinée a été diffusée intégralement sur le blog de l'auteur. L'éditeur et l'auteur ont cependant décidé de laisser une partie des planches en lignes (environ 100 pages sur 160). Vous pouvez donc lire les premières pages tout à fait légalement sur le blog suivant. Les illustrations ci-dessus sont reproduites avec l'aimable autorisation de l'auteur, extraites du blog susmentionné.

Paru aux éditions G. Delcourt, Paris, en 2006. ISBN : 27560066416.

lundi 5 avril 2010

"Alix" de Jacques Martin dans les années 1960

Pour rendre hommage à Jacques Martin, cet article est dédié à ce que je conçois comme la meilleure période d'Alix, les années 1960. Quatre albums sont réalisés, Les Légions perdues, Le Dernier spartiate, Le Tombeau étrusque et Le Dieu sauvage, et encadré par La Griffe noire (fin des années 1950) et Iorix le Grand (début des années 1970).

C'est à cette période que je trouve le trait le plus intéressant pour représenter Alix et Enak : Martin a trouvé une façon personnelle de représenter ses héros, après les tâtonnements initiaux. Et surtout ses scénarios prennent vraiment un tournant qui m'a beaucoup plu. Dans Les Légions perdues, Alix est chargé de retrouver l'épée de Brennus, le Gaulois qui faillit prendre Rome, épée qui intéresse au plus au point Pompée, pour affaiblir César ... Dans Le Dernier spartiate, Alix tente de sauver Enak, prisonnier d'un groupe de Grecs désireux de s'affranchir de la présence romaine dans la péninsule hellène. Le Tombeau étrusque voit Alix retourner en Italie, où il doit faire face à la menace d'une secte étrusque adoratrice d'un dieu punique. Enfin l'intrigue du Dieu sauvage l'emmène en Cyréanaïque (Libye actuelle), affronter une menace divine, et retrouver de vieux adversaires...

Résistance à Rome, folie religieuse, enlèvements en tout genre, course poursuite, et défense jusqu’au bout, avec bons nombres de morceaux de bravoure à l’intérieur (le discours d’Alix dans le dernier spartiate est ainsi un modèle du genre), voila un concentré de tout ce par quoi Martin fait passer ses héros, pour le plus grand bonheur de ses lecteurs, sans cesser de référer à l’histoire romaine des dernières siècles avant notre ère.

C'est donc un véritable florilège d'aventures diverses, mais bien plus que ce que ces résumés presque lapidaires peuvent en dire, ce sont les personnages secondaires qui sont véritablement développés dans ces albums, qui donnent une profondeur que l'univers d'Alix n'avait pas jusqu'alors. Qu'ils soient des jeunes hommes compagnons d'Alix, comme Octave et Héraklion, des femmes (enfin !) comme Lidia et Adréa, ou des militaires récurrents, comme Horatius et surtout Galba... tous contribuent à donner un vrai relief aux aventures d'Alix. Et que dire des civilisations que le héros croise : Grecs du Ve siècle, Etrusques ou Gaulois en cours de romanisation, tous permettent de se sentir plus proche des temps antiques, simplifiés sans trop les trahir par Martin.

En bref, pour découvrir ou redécouvrir ce héros intemporel, ces 4 albums (auquel on peut sans mal rajouter La Griffe noire et Iorix le Grand) sont tout simplement parfaits, et sont à mon sens ce que Martin a pu faire de meilleur !

Parus aux éditions Casterman :
Les Légions perdues (prépublication dans Tintin en 1962-63, publication en 1965), ISBN : 2203312017
Le Dernier spartiate (prépublication en 1966-67, publication en 1967), ISBN :2203312041
Le Tombeau étrusque (prépublication en 1967-68, publication en 1969), ISBN : 220331205X
Le Dieu sauvage (prépublication en 1969, publié en 1970), ISBN :2203312076